Le monde des échecs se pare de nouvelles stratégies de lutte contre les fraudes
Les récentes affaires de tricheries présumées du joueur américain Hans Niemann dénoncées par Magnus Carlsen ont mis en lumière les risques de malversations aux échecs. Dans ce milieu très concurrentiel, la tentation de gagner passe parfois avant le respect des règles et du fair play, surtout lorsque les enjeux financiers sont importants.
Quelles ont été les techniques de triche déjà découvertes aux échecs ?
De tout temps, les joueurs d’echecs très talentueux, ou progressant apparemment trop rapidement, ont été soupçonnés de tricherie. La méthode présumée reposait le plus souvent sur une communication extérieure avec quelqu’un qui pouvait voir l’échiquier, notamment une personne du public. Il aurait ensuite fallu que la personne du public communique avec le joueur pour lui transmettre les informations. Dans un contexte de guerre froide, la partie entre Bobby Fischer et Boris Spassky a été particulièrement surveillée. Les organisateurs ont vérifié le mobilier, les lumières de la salle, mais aussi l’air ambiant, afin d’éviter les messages olfactifs. Il reste qu’un complice, faisant un signe grâce à un code pré-établi, aurait toujours été possible.
Désormais, avec la multiplication des parties en ligne, et même de tournois officiels à distance, ou diffusés en direct, le soupçon de l’utilisation d’un ordinateur est bien plus réaliste. La puissance de calcul de certains logiciels est capable de prédire à l’aide de statistiques très précises la meilleure stratégie à adopter. Un observateur extérieur pourrait alors recommander un ou plusieurs coups au joueur, tout en s’adaptant au déroulement du jeu. Une fois de plus, la communication de l’information reste en suspens. Dans le cas de Niemann et de sa triche supposée, l’utilisation de puces vibrantes, ou celle d’oreillettes très discrètes, ont été évoquées. Jusqu’alors, rien n’a pu être prouvé. Accusé par le champion du monde en titre Magnus Carlsen après leur partie au tournoi de Saint-Louis, Niemann a été banni de la plateforme d’echecs en ligne Chess.com. Sa progression étrangement rapide était aussi pointée du doigt. Il a par ailleurs avoué avoir utilisé un programme de calcul pour gagner certains de ses jeux en ligne, ce qui a achevé de convaincre ses détracteurs de sa malhonnêteté lors du tournoi de Saint-Louis et de ses précédentes parties remportées. Une autre possibilité évoquée serait la fuite des stratégies de Carlsen, transmises à l’adversaire par sa propre équipe de conseillers. Une partie du monde des echecs soutient cependant Niemann face à ces accusations, aucune preuve n’ayant pu être produite et Carlsen refusant de s’exprimer sur ses doutes.
Comment éviter que la triche ne se produise ?
Lors des tournois “physiques”, l’observation des joueurs est mise en avant afin de détecter une attitude suspecte ou une interaction avec une personne du public. En 2015, le Géorgien Gaioz Nigalidze avait été pris en flagrant délit de triche. L’indice qui avait mis la puce à l’oreille de son adversaire, Tigran L. Petrosian, était ses allers et retours fréquents aux toilettes, à des moments stratégiques de la partie. Un smartphone et des écouteurs avaient été retrouvés dans la cabine qu’il avait systématiquement utilisée lors de ses pauses. Un programme, dans lequel il entrait les positions des pièces sur le plateau à l’instant T, l’aidait à jouer les meilleurs coups possibles. Dans le cas de Niemann, l’organisation a tenté de détecter des équipements portés par les joueurs (tels qu’une puce ou une oreillette) grâce à un scanner détectant les fréquences radio. Cela n’a rien donné et le tournoi a repris malgré l’abandon de Carlsen.
Le plus compliqué reste la prévention des triches en ligne. En effet, il est bien difficile de détecter une fraude simplement selon les coups du joueur. C’est pourtant ce que tente de faire Ken Regan, mathématicien et joueur d’echecs. Il a créé un programme capable de jouer la partie parfaite théorique, ou en tout cas ce qui s’en rapproche le plus. Son ordinateur atteint un score de 3 200 à 3 300. Il compare ensuite les coups joués lors d’une partie à ceux de la partie jouée par le programme. À partir de là, il obtient un score notant le nombre de coïncidences entre les meilleurs coups et ceux joués par le grand-maître ou le joueur. Plus ce score est élevé, plus le joueur est suspect. Regan considère qu’au-delà de 5.0, le joueur devrait être systématiquement considéré comme fraudeur. Il a d’ailleurs proposé ce programme accompagné du score limite de 5.0 à la FIDE comme moyen d’évaluation et est déjà appelé régulièrement pour argumenter sur l’éventuelle malhonnêteté d’un joueur lors de tournois.
C’est une avancée majeure dans la lutte contre la tricherie dans les echecs puisqu’elle s’applique aussi bien sur des parties physiques, qu’en ligne. Elle avait déjà permis d’obtenir des sanctions contre Borislav Ivanov, soupçonné de triche et qui avait par ailleurs refusé une inspection de ses chaussures lors de tournois officiels.
La prévention de la triche va certainement devoir devenir de plus en plus présente dans le monde des echecs, à mesure que les technologies se développent. Il reste à savoir si la FIDE saura s’adapter suffisamment vite pour contrer les tentatives toujours plus perfectionnées des fraudeurs et préserver l’essence de ce jeu qui nous est si cher.
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